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ROBERT LOZÉ

vous, ma belle, serez notre premier officier. Robert et moi avec les deux Tremblay formerons l’équipage. Il faut les surveiller ces gaillards-là, ajouta-t-il en indiquant le marin, lequel, tout en maintenant le canot au moyen d’une gaffe, écoutait en souriant, ils sont capables, par la force de l’habitude, de nous conduire à Miquelon pour y faire la contrebande. Allons maintenant embrasser maman. Le capitaine vous fera ensuite les honneurs de son vaisseau. Tremblay, revenez nous chercher à six heures.

Dans la fraîcheur du soir, on leva l’ancre. Le gracieux vaisseau déploya ses grandes ailes et gagna le large, pendant que les jeunes gens, sous la conduite d’Alice, faisaient le tour de la demeure flottante qui devaient les porter pendant quelques semaines.

L’aménagement intérieur était plus considérable qu’Irène ne l’avait d’abord supposé. On aurait pu y loger beaucoup plus de monde, mais Jean avait horreur de la gêne et de l’encombrement. À l’avant étaient installés les deux hommes de l’équipage, puis le cuisinier, près du « coqueron » et de la cambuse. À l’arrière, se trouvait le salon qui, le jour, formait une pièce assez vaste. Aux heures des repas, elle devenait une salle à manger. Le soir, d’épais rideaux la divisaient en chambres à coucher. Des écoutilles vitrées laissaient entrer l’air et la lumière. Le tout était disposé avec élégance, avec luxe même, mais sans étalage inutile. Des auvents pouvaient au besoin abriter le pont. Le yacht lui-même était un bijou, l’œuvre du célèbre constructeur américain Herreschoff.

Le souper fut gai, plein d’entrain, et la causerie se prolongea jusqu’à l’obscurité. Puis dans les haubans, les fanaux rouge et vert s’allumèrent, l’étoile blanche du navire brilla à l’avant du mât.

La soirée était idéale, le vent presque insensible. Doucement porté par la mer, le yacht se mouvait sans bruit et