recueillait comme premier fruit un commencement de vraie clientèle. Elle était loin, la piètre pratique d’autrefois ! On lui apportait maintenant des affaires telles que peuvent en accepter ceux qui comprennent les devoirs et les responsabilités de leur profession. Depuis qu’il ne recherchait plus les clients, les clients le recherchaient. Et dans chaque cas, il se sentait assez fort pour imposer sa manière de voir et ses conditions, tandis qu’auparavant il n’avait été que l’humble serviteur du plus obscur plaideur.
Robert ne se reconnaissait plus lui-même. Ne pouvant contenir le bonheur qui débordait en lui, il s’épanchait dans le cœur d’Irène. Des voix nombreuses chantaient ses louanges au pays natal. M. Coutu son ancien adversaire, était maintenant le premier à vanter ses qualités. Jean, qui avait étudié son frère et qui comprenait la transformation qui s’était opérée en lui, réjouissait le cœur de leur mère en lui expliquant de quelle noble façon il rachetait ses erreurs. Irène, triomphait. Le docteur de Gorgendière résistait avec d’autant plus de peine à ses prières réitérées pour qu’il la conduise à Montréal, qu’il en avait presque autant envie qu’elle-même. Sa prescription agissait ; son orgueil de médecin et de philosophe en était flatté, son amour paternel s’en réjouissait. Il aurait voulu voir le patient de près. Mais il n’aurait pas voulu risquer de distraire le jeune homme de ses travaux par la présence de sa fiancée. Irène se résignait donc à attendre l’été, alors que la longue vacance lui ramènerait son ami pour quelque temps.
De son côté, Robert ne se soumettait pas à une tension d’esprit continuelle. Du reste, il se serait bien gardé de négliger cette amie qui lui avait, la première, témoigné une si utile sympathie et qui lui avait rendu de si réels services. L’homme sérieux n’est pas nécessairement un ermite ou un hibou. Le fait est que le jeune homme, plus sage, avait plus de gaieté qu’autrefois, étant plus heureux. De temps