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Ce succès fondamental obtenu, il restait à nos pères à en profiter. Aussi voyons-nous bientôt, sous l’influence du gouvernement responsable, le pays se transformer. Nous voyons s’élaborer les lois de l’instruction publique qui nous régissent aujourd’hui, et qui, malgré leurs imperfections, dont leurs auteurs ne sont pas responsables, produisent de si bons résultats.

C’est surtout dans l’élaboration de ces lois que consiste l’histoire de l’instruction proprement dite dans notre province. Nous ne toucherons pas à ce sujet si ce n’est pour exprimer la profonde admiration que nous inspirent les hommes qui en sont les auteurs et qui ne se laissèrent rebuter par aucune difficulté dans l’œuvre qu’ils avaient entreprise. « Le premier devoir de nos magistrats et des chefs de notre république, dit Horace Mann, c’est de tout subordonner à cet intérêt suprême (l’éducation). Dans nos pays et de nos jours, nul n’est digne du titre honoré d’homme d’État, si l’éducation pratique du peuple n’a pas la première place dans son programme. » C’est ce que ces hommes comprirent. Leur œuvre, qui se rapporte presqu’exclusivement à l’enseignement primaire, restera, et se perfectionnera avec les années.

Quant à nous qui nous préoccupons surtout de l’avenir, nous n’avons jeté un coup d’œil sur l’œuvre du passé que pour nous guider dans notre étude. Nous savons que les hommes qui conquirent pour les Canadiens-français leurs libertés politiques, durent leurs succès à la noblesse de leur but, à la largeur de leurs vues, au sentiment de leur force et surtout à une supériorité réelle sur les hommes de leur temps. Nous savons que sans cela ils n’eussent pas réussi, nous savons que ces qualités ils ne les auraient point possédées sans l’éducation exceptionnelle qu’ils avaient reçue. Or les mêmes causes dans les mêmes conditions produisent les mêmes effets. Sous un rapport au moins, les conditions ne sont pas changées, les Canadiens-français ont encore et auront longtemps à lutter dans des conditions désavantageuses. Pour surmonter les obstacles qui se présentent ainsi il faut qu’ils sachent se rendre supérieurs à leur entourage, qu’ils répandent la lumière au lieu de la recevoir, car alors ils trouveront leur appui non seulement en eux-mêmes mais aussi chez les étrangers. À cette condition seule ils survivront. Et s’il devait en être autrement ce ne serait vraiment pas la peine de survivre pour déshonorer sa nationalité en restant inférieurs.