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tants, au dévouement incessant du clergé catholique, le Bas-Canada, depuis 1615, n’a jamais été entièrement privé d’écoles primaires. » C’était un peuple primitif et jeune, mais civilisé et policé. Cependant, cent années de guerre presque continuelle n’avaient pas eu pour effet de faire de lui un peuple lettré. Pendant les années qui suivirent la cession, les anciennes institutions étant abolies sans être remplacées par d’autres, l’instruction primaire tomba dans un complet désarroi. En 1815 il n’y avait, dans le Bas-Canada, que dix-neuf écoles en opération effective, et en 1822 trente-deux. (Meilleur.)

Ce déplorable état de choses provenait du défaut d’entente entre les autorités coloniales d’une part et le clergé et le peuple de l’autre. Les autorités coloniales, qui détenaient les biens des Jésuites affectés à l’instruction publique, tentèrent à différentes reprises de donner au Canada une organisation scolaire. En 1789 Lord Dorchester chargea une commission de proposer une loi. Elle recommanda l’établissement d’une école élémentaire par paroisse, d’une école modèle par comté et d’une université dirigée par le gouvernement qui aurait eu son siège à Québec. Mais quoique le Canada fut alors presque exclusivement français, cette commission ne comprenait que quatre membres de langue française sur neuf. Le clergé catholique, alors de tendances gallicanes, était quelque peu divisé sur l’opportunité d’adopter ce projet. Mgr Hubert, neuvième évêque de Québec, s’y opposa fortement parce que le projet comportait l’instruction laïque du haut en bas de l’échelle, et en conséquence de cette opposition il devint impossible de lui donner suite. Mgr Hubert en cette occasion réclama les biens des Jésuites comme appartenant de droit au clergé catholique pour des fins d’éducation.

En 1801 un nouvel effort dans le même sens fut tenté et échoua pour les mêmes raisons. Un système d’écoles fut établi, sous la régie de l’Institution Royale, organisation affiliée à l’église anglicane, mais les Canadiens, sur les conseils de leurs prêtres, refusèrent de les fréquenter.

Il n’entre pas dans le cadre de ce travail d’examiner la valeur des raisons qui engagèrent le clergé à conseiller au peuple de s’abstenir de fréquenter ces écoles. Il est évident que pour le corps clérical ces raisons devaient être d’un ordre surtout religieux. Pour le peuple il y avait aussi une raison de nationalité ; il croyait voir dans ces projets autant de tentatives contre la langue et les institutions françaises, et cette crainte fut assez puissante pour produire le résultat que nous connaissons.

Du reste, le clergé, en demandant au peuple ce sacrifice, fit en même temps des efforts extraordinaires pour suppléer à ce que le gouvernement se refusait à fournir sous une forme jugée acceptable. Il y réussit complètement quant à l’instruction secondaire, et c’était celle dont la nécessité était alors la plus urgente.