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VI

LE REMÈDE.


La province de Québec ne s’emparera de l’industrie qu’avec l’intervention directe de son gouvernement.


Nous avons constaté que dans la province de Québec, nous avons une organisation d’enseignement supérieur et technique, bien rudimentaire et bien pauvre, il est vrai, parce que pour le perfectionner il faudrait des ressources que ceux qui l’ont établi ne possèdent pas, mais qui pourrait encore fonctionner, si les efforts des initiateurs trouvaient de l’écho dans le peuple. Nous espérons que ce travail y contribuera en provoquant quelque discussion.

Un certain nombre d’écrivains canadiens, constatant combien ce pays est arriéré sous le rapport des entreprises économiques et industrielles, se sont occupés à chercher le remède à cet état de choses. Quelques-uns sont d’opinion que c’est un mal qui se corrigera de lui-même. C’est la politique du laisser faire dont il faut bien se défier. D’autres, comme le professeur Mills, de l’école d’agriculture de Guelph, constatent que malgré les quelques écoles spéciales actuellement existantes, nous ne faisons encore que jouer à l’éducation technique, et ils recommandent une réforme dans l’enseignement sur toute la ligne. D’un autre côté, M. Morley Wickett nous fait observer (voir le rapport du bureau des industries d’Ontario, 1897) que la plupart des jeunes Canadiens qui se sont occupés de questions techniques et économiques finissent par s’en aller aux États-Unis. Or si, d’un côté, nous applaudissons de tout cœur au projet de M. Mills pour la réforme de l’enseignement industriel, de l’autre, il est décourageant de penser que si nous instruisons nos jeunes gens dans ces matières, c’est avec la perspective de les perdre.

Si c’est là la situation économique et industrielle des provinces de langue anglaise, celle de la province de Québec est plus malheureuse encore, et la raison en est bien évidente. Nos jeunes gens ainsi instruits nous restent sur les bras. Les voir s’expatrier serait le moindre des deux maux. Le jeune homme de langue anglaise qui a des goûts scientifiques ou industriels et qui étudie dans un établissement où ces choses sont enseignées, peut assez facilement, en sortant, trouver de l’emploi comme ingénieur, constructeur, directeur d’usine ou de mine. Au moins a-t-il une chance d’arriver à ces emplois, et dès qu’il est entré dans la carrière, que ce soit aux États-Unis ou au Canada, son succès dépend de lui-même. Il se trouve au centre d’une vaste population avec une organisation sociale depuis longtemps établie. On y connaît la valeur des hommes spéciaux, on y poursuit des entreprises où la science est nécessaire, il y a des établissements