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et qu’il est impossible d’en faire un meilleur usage que de les appliquer à développer la richesse publique par l’industrie. Il s’est donc mis en mesure d’aider financièrement à l’industrie au moyen de tarifs, de bonus, de subventions. Et le résultat de tous ces efforts est que l’Allemagne a surpassé la France comme nation industrielle et menace aujourd’hui l’Angleterre. Tout cela est l’œuvre de vingt années seulement !

On a souvent dit que l’Allemagne allait trop loin dans cette voie et qu’elle commettait une erreur économique en forçant la croissance de toutes les industries, qu’elles fussent ou non naturelles au pays, et nous ne croyons pas que ces critiques soient fausses. Nous disons « industries » et non pas « enseignement industriel », car cet enseignement ne saurait être trop complet ni trop étendu. L’encouragement aux industries indigènes par l’État est toujours, croyons-nous, une mesure qui contribue à la richesse et à la prospérité publique. L’enseignement industriel doit être permanent et doit se perfectionner sans cesse. L’aide de l’État aux industries d’une nature vraiment indigène n’est pas nécessairement permanente, excepté dans le cas d’une exploitation par l’État lui-méme. Une industrie indigène, en effet, c’est celle qui est naturelle au pays par suite de conditions spéciales. Une fois établie sur des bases solides, elle doit se maintenir par elle-même. Il en serait ainsi chez nous pour les industries de la pâte de bois, par exemple. Mais une industrie exotique implantée dans un pays n’existera jamais que dans des conditions désavantageuses ; elle donnera lieu à une concurrence effrénée qui en définitive ruinera le capital et le travail et causera des désastres économiques. C’est ainsi qu’en Allemagne comme aux États-Unis, comme dans tous les pays de protection artificielle, la production excède de beaucoup la demande et tous les efforts d’extension commerciale ne réussissent pas à enrayer le mal qui, au contraire, finit par s’étendre comme un fléau même aux pays qui n’ont pas commis cette erreur économique.

Le Canada doit éviter cette erreur. Nous avons donc pour notre part à déterminer quelles sont nos industries vraiment indigènes, c’est à dire celles dont nous possédons à peu près exclusivement la matière première. Il nous reste à protéger cette matière première contre l’exportation et à devenir dans les spécialités ainsi désignées des fabricants tellement scientifiques qu’il soit impossible de nous faire une concurrence sérieuse.

Malgré cet excès que nous croyons découvrir dans le système allemand, son exemple n’en est pas moins utile à étudier. Il nous montre qu’il est possible de créer en peu de temps une grande puissance industrielle basée sur la connaissance populaire des arts industriels et l’appui de l’État. L’Allemagne est devenue en vingt ans l’une des puissances industrielles du monde. Ce que les Allemands ont fait, les Canadiens peuvent le faire et le faire encore mieux, toute proportion gardée, puisqu’ils peuvent imiter cet exemple en ce qu’il a de bon tout en évitant les fautes commises.