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portations anglaises diminuaient, l’Allemagne exportait en laines, sucres, cotons, soies, toiles, charbon, machines et fer pour £43,850,000. Il n’y a donc pas lieu de s’étonner si Sir Charles Oppenheimer, consul général britannique à Francfort, écrive à son gouvernement que « le progrès industriel de l’Allemagne est presque phénoménal. Aidées par l’État de toutes les manières possibles, et en partie protégées contre la concurrence étrangère par des tarifs élevés, les industries de tous genres, qu’elles conviennent ou non au pays, ont pris naissance, se développent et fleurissent. Bientôt le marché indigène ne suffisant plus à une production aussi rapide, il a fallu chercher des débouchés à l’étranger. » Cet extrait, tout en servant à faire ressortir les progrès de l’Allemagne, contient en même temps l’indice d’un danger économique dont nous aurons à dire quelques mots.

Nous avons devant nous le rapport du commissaire du travail de Washington de 1892 qui contient l’énumération des écoles industrielles du monde entier, des statistiques du plus haut intérêt et des explications importantes au sujet de l’éducation technique spécialisée. Pour le moment, nous ne nous y arrêterons pas de peur de fatiguer le lecteur en lui présentant trop de chiffres. Nous voulons plutôt lui présenter un coup d’oeil général, afin qu’il puisse juger de l’oeuvre par l’ensemble des résultats. Dans un autre chapitre, nous chercherons jusqu’à quel point l’exemple de l’Allemagne est applicable au Canada, surtout à la province de Québec.

Non seulement l’Allemagne procure à ses enfants dans toutes les parties de l’empire des écoles industrielles générales et spéciales (nous ne parlons pas ici des écoles agricoles qui sont à la hauteur des autres) mais elle a fondé en outre, sous le contrôle direct de l’État, une école polytechnique tellement supérieure, tellement parfaite qu’elle assure à l’industrie allemande l’avantage capital d’une connaissance approfondie de toutes les sciences et leur application immédiate sous leur forme la plus économique à toutes les fabrications. Les nations rivales de l’Allemagne aiment à déclarer que l’article allemand est bon marché à cause de sa mauvaise qualité et de l’échelle peu élevée des salaires. Il faut se défier de ces jugements qui ne sont pas désintéressés. L’ouvrier allemand n’est pas moins payé que celui des autres pays. Dans bien des fabriques, il touche une part des profits. Nous pouvons tenir pour certain que si en Angleterre ou en France, l’on pouvait fabriquer aussi bon marché qu’en Allemagne, l’on se hâterait de le faire. La vérité c’est que la supériorité scientifique allemande, la perfection des procédés, l’intelligence des ouvriers sont les causes du bon marché et de la supériorité commerciale qui s’en suit.

L’action du gouvernement allemand ne s’est pas bornée à établir un système admirable d’enseignement industriel à tous les degrés. On semble y avoir mieux compris qu’ailleurs que les fonds à la disposition du gouvernement sont le capital de la nation