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III

NOS JEUNES GENS.


Laisser la jeunesse sans carrière, c’est gaspiller le capital national et préparer la déchéance.


Si nous étudions l’histoire des nations tombées en décadence, nous trouverons que les causes de ce désastre ne varient guère. Ces peuples ont cru qu’ils pouvaient s’arrêter. Ils se sont oubliés à contempler le chemin déjà parcouru au lieu de gravir sans cesse le rude sentier, les yeux toujours fixés sur l’avenir. Tout arrêt comporte une infériorité, une trop longue immobilité peut devenir fatale. Pour avoir oublié cette loi, que de ruines, que de déplorables déchéances ! même parmi les peuples du Sud-Américain, dont l’origine n’est guère plus ancienne que la nôtre. Le jour viendra peut-être où un tel peuple voudra reprendre sa marche, mais il ne le pourra plus parce que, comme la femme de Loth, il sera pétrifié pour avoir regardé en arrière. Il s’apercevra que les autres peuples, qui ont marché pendant qu’il a dormi, sont si loin en avant qu’il désespérera de les atteindre jamais. C’est alors que se déclare cette maladie fatale aux peuples, la dégénérescence, qui est une paresse invincible, une paralysie de l’intelligence, qui fait qu’il leur semble impossible de triompher des difficultés qui les entourent et qui les rend incapables de tout effort soutenu. Ces peuples se disent : À quoi bon ! Ils abdiquent, ils n’existent plus.

Cependant, dans cet état d’esprit, un peuple est moins disposé que jamais à admettre son infériorité. Il se trompe lui-même, il veut encore se croire supérieur, malgré l’évidence du contraire. Il se dit et se croit lésé, il hait les peuples qui l’ont devancé, il prend cette haine, qui n’est qu’un instinct barbare, pour de l’énergie, il remplace le patriotisme par le chauvinisme. Or le chauvin, dans son ignorance féroce mais impuissante, ne vaut pas mieux que le sauvage qui, désespérant de s’égaler à l’homme civilisé, le déteste, le fuit et le tue s’il l’ose.

Certes, nous n’avons pas la pensée que les Canadiens-français en soient rendus là. Mais il ne faut pas qu’ils s’arrêtent. Ils ont, grâce à Dieu, l’énergie qu’il faut pour combattre un tel danger. Ils savent qu’ils n’existent qu’à la condition de ne jamais désarmer, car par leur position exceptionnelle plus que toute autre race ils doivent être militants. Ils comprennent presque d’instinct qu’ils doivent pratiquer toutes les vertus civiques et le libéralisme social le plus éclairé, et avant tout éliminer l’intolérance et les vices mesquins et bas qui en découlent, vices qui ne doivent point trouver asile chez un peuple qui aspire à la grandeur. Ils savent aussi que parmi leurs compatriotes même les plus éminents n’ont pas le monopole de la sa-