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ment donnés, chascun s’appliqueront à vertus et aux bonnes lettres pour en avoir ; et si des gens vertueux et bons les avoient, ne feroient telles exactions : les roys, princes et seigneurs seroient mieulx obeys qu’ils ne sont. » La déesse s’élève ensuite indirectement contre les concordat, eu faisant un grand éloge de Charles VII. « Ce Roy, dit-elle, aima tant la liberté universelle de toute l’Eglise, qu’il commanda garder et observer dans son royaulme les saints décrets de Basle et de Constance, et d’iceulx feit faire un livre intitulé la Pragmatique-Sanction, contenant reigle et forme de l’honnesteté ecclésiastique, et de disposer des bénéfices, dont la bénédiction est redondée non-seulement en luy, mais en son petit-fils le roy Charles VIII, qui a surmonté et vaincu plus miraculeusement que aultrement ses ennemis et adversaires. »

Ce morceau est suivi d’un portrait de Louis XI, dont nous ne rapporterons qu’un seul trait fort remarquable. « Il vouloit être crainct plus que roy qui fut oncques ; et il n’y eut jamais roy en France qui vesquit eu plus grant craincte et suspection ; en sorte que la moindre imagination qu’il eust prise en la plus pauvre créature de son royaulme, luy eust donné une telle craincte que, pour la chasser de son esprit, estoit contrainct faire mourir cette personne, ou la prendre à son service : et si mourut crainctif de tout le monde. »

Les peintures de mœurs sont pour nous la partie la plus intéressante des instructions que reçoit La Trémouille. On y trouve des regrets sur l’antique simplicité des rois et des seigneurs, et des réflexions chagrines sur le luxe qui commence à se répandre. « Anciennement, dit le personnage allégorique, les capitaines et gens de guerre n’avoient accoustumé de faire traîner après eux tant de bagaige, comme font de présent les François, qui ont lict de camp, vaiselle et cuisine, et plus d’espiceries et choses attractives à luxure qu’à combattre leurs ennemis ; et n’y a