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par le plan que nous avons adopté, d’écarter des ornemens déplacés, à peine nous sommes-nous permis des transitions nécessaires. Nous osons donc croire que les Mémoires de La Trémouille seront une lecture entièrement nouvelle, pour ceux qui ne les connoissent que d’après l’abrégé des premiers éditeurs.

Cette partie mythologique, qui est si maladroitement attachée à l’histoire d’un guerrier du quinzième siècle, contient cependant quelques détails curieux. Dans les instructions que donnent alternativement à La Trémouille Mars, Minerve et Junon, on trouve de temps en temps des observations fort justes sur les passions, sur la politique et sur les mœurs.

Lorsque le chevalier entre dans le monde, Minerve s’efforce de le prémunir contre les séductions de l’amour. « Les jeunes gens, lui dit-elle, qui ne mesurent les choses par droict jugement ; ains par libidineux plaisirs ou affection charnelle, si le sens leur présente la fardée beauté d’une femme, son apparente doulceur ou son humble contenance, existiment faulsement que ce soit une chose divine, et par ce jugement insensé, aiment ceste femme, la desirent, l’extiment vertueuse, pensent que tous biens soient en elle, que tout plaisir y repose, que toute consolation en procède, et que heureuse chose seroit en pouvoir lascivieusement jouyr ; mais leur fin sera comme de ceulx qui, selon les poëtes, endormis à l’harmonie et doulx chant des syrenes, péricliterent et submergerent en mer. »

C’est par Junon, appelée dans l’ouvrage puissance regnative, que sont données les hautes leçons de politique. L’auteur place dans la bouche de cette déesse une critique sanglante de la vénalité des charges. « On ne veit onc, dit-elle, tant de praticiens, et moins de bonnes causes : on ne veit onc tant de officiers et si peu de justice : brief on diroit que tout est habandonné à proye et à rapine. Si les offiçes de la justice estoient liberale-