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UNE DE PERDUE

Ce petit dialogue, que le capitaine et l’économe croyaient n’avoir été entendu que d’eux seuls, avait néanmoins été entendu par une dizaine d’oreilles avides, qui cachées au milieu des ronces autour du grand Sycomore, n’osaient se montrer, de peur d’enfreindre les ordres positifs que leur avait donnés Sambo.

Ils laisseront donc passer le capitaine et son compagnon, quoique plus d’un nègre eut mis la main à son poignard pour se venger sur le champ des outrages de l’économe.

Le capitaine poussa jusqu’au bayou bleu ; et, n’ayant rien découvert, s’en revenait vers l’habitation, où il se serait sans doute rendu sans accident si un des chiens ne se fut échappé. Ce chien, prenant la piste de l’économe, arrivait au grand Sycomore au moment où le capitaine y arrivait aussi à son retour du bayou bleu. Le chien ne tarda pas à s’élancer sur l’un des déserteurs, qu’il saisit à la jambe. Le nègre lâcha un cri de douleur, et l’économe, qui reconnut la voix d’un des esclaves, s’élança, le pistolet à la main, pour le faire prisonnier. En un instant vingt têtes se levèrent ; toute retraite fut coupée ; l’économe déchargea ses deux pistolets et le capitaine son fusil à deux coups. Mais la partie était inégale ; l’économe fut bientôt terrassé et garotté. Le capitaine, qui n’avait point encore repris toutes ses forces, se défendait néanmoins avec vigueur, quand Sambo arriva. La lune, qui peu à peu s’était élevée au dessus de la forêt, laissait tomber, à travers la chevelure des arbres, ses rayons qui jetaient une lumière incertaine sur la scène qui se jouait au pied du grand Sycomore.