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UNE DE PERDUE

tés des nègres marrons des plantations voisines, se rendaient au bayou bleu.

Ils eurent bientôt fraternisé.

Sambo, voyant son parti inopinément renforcé de cinquante hommes hardis et déterminés, résolut de les laisser au grand Sycomore, avec la formelle injonction d’éviter de se faire voir, au cas où quelque patrouille viendrait de leur côté. Il partit seul pour le bayou bleu.

Quand il arriva, tout était dans le plus profond silence. Le mugissement sourd des joncs, qu’agitait la brise, se mêlait et couvrait le ronflement solennel de sept cents nègres plongés dans un léthargique sommeil. Tout dormait ; les soldats au repos, comme les sentinelles en faction ! Sambo ne put s’empêcher de remarquer combien peu il pouvait compter sur la vigilance de gens qui n’avaient aucune discipline.

Cependant comme il savait, qu’au moment de l’action, il pouvait se reposer sur leur courage, il n’osa témoigner son mécontentement autrement que par quelques reproches qu’il fit aux chefs.

Il pouvait être onze heures de la nuit. Tous les nègres furent bientôt sur pied, Sambo les fit former en compagnies de vingt, ayant chacun leur chef, après quoi il fit distribuer des provisions froides et un verre de rum à chacun. Sambo était inquiet ; il hésita même un instant, et eut envie de remettre l’attaque à un jour ultérieur ; mais quand il réfléchit que dans toutes les habitations les nègres s’attendaient à un soulèvement cette nuit même, il sentit que les choses étaient trop avancées pour qu’il luifut permis de reculer.

— Le sort en est jeté, dit-il en se dirigeant vers un