Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 2, 1874.djvu/354

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
355
DEUX DE TROUVÉES.

carrière criminelle. J’ai été réintégré dans ma fortune et dans le rang de mes pères, savais-tu cela ?

— Que te dit-il, mon enfant ? demanda la prieure qui se tenait, droite et immobile, un peu de côté.

— Il me parle de mon père, ma mère.

La religieuse lui fit signe de continuer.

— Sais-tu pourquoi encore je t’ai cherchée partout ? C’était pour t’offrir et ce rang et cette fortune en expiation de ma faute. Je t’aime ; Ah ! je t’aime. Ce n’est plus Cabrera, c’est le comte de Miolis qui demande ta main.

Pendant qu’il disait ces paroles, dont le ton ne permettait pas à Sara de douter de la vérité, elle sentit tout son sang refluer vers son cœur ; puis par un suprême effort elle se jeta dans les bras de la prieure, et lui dit :

— Ma mère, je vous ai menti ! cet homme n’est pas mon frère, c’est mon fiancé ! il ne me parlait pas de mon père, il me parlait d’amour.

— Je le savais, mon enfant, répondit tranquillement la religieuse ; je comprends l’anglais ; mais je voulais t’éprouver, et voir si Dieu parlerait à ton cœur, plus fort que l’amour humain. Tiens, écoute, continua-t-elle en élevant un doigt.

En ce moment un éclair immense éclaira vivement l’intérieur du parloir et du corridor, et un coup de tonnerre ébranla les murs du monastère.

— C’est la voix de Dieu, mon enfant, dit la religieuse.

— Je le sais, ma mère. Dieu aussi me dit d’aimer cet homme et je l’aime ! mais je ne puis le lui dire. La règle de ce couvent est inexorable !… je ne saurais m’y soustraire, quand je le voudrais !… mon père seul pourrait m’y autoriser, et je ne le verrai jamais !