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DEUX DE TROUVÉES.

regagner le couvent à pas lents. — Oh ! mon Dieu, se disait elle, mon sacrifice est fait ; si je ne l’aimais pas je n’aurais pas de mérite à abandonner le monde, ce monde qui m’abandonne : pas une amie, pas un parent n’est venu me voir aujourd’hui. Mon père, oh ! mon père, vous aussi vous m’avez abandonnée, et pourtant je vous ai écrit pour vous annoncer le jour de ma profession et vous prier de venir. Toute la journée je vous ai attendu, à chaque instant j’espérais être appelée au parloir. Mais il est sept heures ! Quand vous-même viendriez, il est maintenant trop tard. Je marche vers le couvent ; quelques pas encore, et j’entrerai dans ma tombe ; quelques instants de plus, et je serai morte, morte pour lui, pour vous, pour tout le monde ! Que la sainte volonté de Dieu soit faite ! Ainsi soit-il.

L’atmosphère était lourd, de gros nuages sombres couvraient le ciel. Dans les montagnes du Tyrol un orage ne met pas beaucoup de temps à se former ; et le tonnerre, répercuté par l’écho des montagnes, est quelquefois terrifiant. Elle hâta le pas, bientôt elle vit accourir au devant d’elle une des novices.

— Venez vite, lui dit celle-ci aussitôt qu’elle fut à la portée de la voix ; quelqu’un vous demande au parloir.

— Au parloir ! mais il est sept heures sonnées !

— Pas encore ; ce n’est que la demie de six que vous avez dû entendre. Mais venez vite, il n’y a plus qu’un quart d’heure.

— Mon père ! pensa-t-elle et se parlant tout haut à elle-même.

— Non, répondit la novice ; mais quelqu’un qui dit venir de sa part.