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DEUX DE TROUVÉES.

— Il y a deux ans, étant à la Nouvelle-Orléans, je me promenais un jour en compagnie du consul, et je remarquai assis sur les marches de la cathédrale, un mendiant, horriblement défiguré et aveugle ; tout son visage était couturé et couvert d’escarres laissées par le feu. — Avez-vous entendu parler du Dr. Rivard, me dit mon compagnon ; c’est lui. Un incendie a détruit toutes ses propriétés ; il était riche, et il est mendiant. L’explosion d’une bouteille de compositions chimiques dans son laboratoire, lors de l’incendie, lui a brûlé les yeux et la figure. Il aurait péri sous les décombres brûlants de sa maison, s’il n’en eut été sauvé par les efforts surhumains d’un pauvre petit idiot, qui aujourd’hui encore le nourrit des aumônes qu’on lui fait ; car l’aveugle inspire autant de dégoût que d’horreur pour les infamies que l’on a découvertes sur son compte, depuis son accident qui est considéré comme un juste châtiment du ciel.

— En effet, c’est un juste châtiment, reprit Sir Arthur Gosford ; et je voudrais que l’infâme Cabrera, au lieu d’avoir été tué par la balle de la carabine de Trim, eut éprouvé un sort pareil.

— Ah ! détrompez-vous, Sir Arthur, reprit avec vivacité M. Thornbull, ce Cabrera était un grand coupable, mais il n’était pas infâme. Il n’a pas été tué, mais il vit ; et il n’est plus un pirate, c’est lui qui a purgé les eaux de Cuba des pirates qui l’infestaient. Il a été gracié par les autorités de Cuba, parcequ’il avait mérité son pardon. Non-seulement il a été pardonné à Cuba, mais, en Espagne, le jugement qui l’avait condamné pour meurtre par coutumace, a été révisé sur preuve que son adversaire avait été loyalement tué en duel, et il a été réintégré