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UNE DE PERDUE

lourd, commençait à se rafraîchir ; les feuilles des arbres commençaient à faire entendre leur frémissement sous le souffle embaumé de la brise, qui apportait par bouffées les émanations de la forêt.

Les deux petits chevaux haletaient en montant la côte rapide et sablonneuse ; le postillon sifflait ses chevaux, et pour les encourager, faisait claquer son immense fouet tyrolien. Des oiseaux effarouchés s’envolaient sous le feuillage. Bientôt on entendit le cri de la grive matinale qui, au loin, sur la pointe de la flèche d’un sapin, au haut du coteau, saluait l’approche de l’aurore, et s’écriait, aurait-on dit : « Ah ! oui… là-bas ! tout là-bas, voilà le jour ! je le vois ; il luit, il luit. »

En effet c’était l’aurore, dans l’orient, empourprant l’horizon. Le spectacle du lever du soleil, vu du sommet de quelques-unes des crêtes des montagnes du Tyrol, est bien ce qu’il y a de plus enchanteur, surtout à quelques lieues de Pirarelia. La nature est si grandiose dans ces montagnes ; les arbres gigantesques dont le profil se dessine si largement sur l’horizon au loin, bien loin dans les collines voisines ; le bruit du torrent au fond d’un ravin qui mêle sa profonde voix aux mille bruits qui s’échappent de toutes parts de la forêt ; le gazouillis joyeux des oiseaux qui saluent le lever de l’aurore, le bourdonnement des insectes, les cris effrayés de quelques écureuils qui grimpent aux arbres, courent sur les feuilles et, blottis l’un derrière une branche, l’autre dedans un trou, épient avec leurs petits yeux noirs, ronds, à fleur de tête, la voiture qui passe et le postillon qui siffle ; tout semble, à cette heure, mêler sa voix en un immense concert, pour célébrer l’apparition