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DEUX DE TROUVÉES.

aussi aperçue que cette généreuse enfant croyait qu’il l’aimait, et, loin d’en être jalouse, elle lui avait dit un jour, avec une charmante mais triste naïveté :

— Ah ! Asile, vous, êtes bien heureuse : M. de St. Luc vous aime et il ne m’aime pas.

Hermine aurait voulu quelquefois, dans les premiers jours qui suivirent le départ de St. Luc, taquiner Miss Clarisse au sujet du beau créole louisianais, comme elle l’appelait ; mais elle s’aperçut qu’elle lui faisait une peine si grande, qu’elle se repentit d’avoir touché à une plaie aussi vive. Hermine s’était bien aperçue de la préférence de St. Luc pour sa sœur, sans avoir remarqué celle de Clarisse.

Il s’était établi entre elles une espèce de lien magnétique qui les unissait toutes trois dans une même communauté d’idées, dont St. Luc semblait tenir le bout de la chaîne, sans trop pouvoir définir au juste l’espèce de sentiment qui attirait ces jeunes filles vers St. Luc, et celui-ci vers elles. Elles se sentaient heureuses quand, seules, assises dans le salon, le sujet de la conversation tombait sur celui qui occupait une si grande place dans leurs pensées. Hermine elle-même, la petite indifférente, était celle qui presque toujours en parlait la première. Madame de St. Dizier, sans trop se flatter néanmoins, avait espéré que peut-être il n’était pas impossible que sa bien-aimée Asile avait su captiver l’élégant étranger, dont Sir Arthur Gosford lui avait fait les plus grands éloges. Pauvre mère ! elle, avait interrogé sa fille sur ses sentiments, mais Asile lui avait toujours répondu, en riant, « qu’elle ne croyait pas que M. de St. Luc l’aimait ; que quant à elle, elle ne savait pas. »