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DEUX DE TROUVÉES.

— Colonel, dit-il, quelqu’un ici vient de jeter l’insulte à mes compatriotes ; je suis Canadien-français, je prends l’insulte pour moi, aussi bien que pour ceux de ma race, et je dis que celui qui vient de parler ainsi en a menti. Voici ma carte, continua-t-il, en la jetant sur la-table.

Cette carte portait le nom de S. de Bleury.

En un instant tout fut confusion ; presque tous les convives s’étaient levés ; tout le monde parlait à la fois. Ce ne fut qu’avec difficulté que le colonel put se faire écouter.

— M. de Bleury, dit-il ; je vous prie de vouloir bien ne pas faire attention à une parole aussi inconsidérée que fausse, qui vient d’être prononcée. Vous voudrez bien m’en croire, moi, à mon âge et dans ma position, quand je déclare emphatiquement que les Canadiens-français sont braves et très-brave. Ils viennent de le faire voir à St. Denis, ainsi qu’à St. Charles, où j’étais présent et où j’ai pu apprécier ce qu’ils auraient fait s’ils avaient eu un chef capable de les commander. M. de Bleury, continua-t-il, vous voudrez bien accepter mes excuses sincères pour la parole qui s’est échappée de la bouche d’une personne qui ne l’eut certainement pas prononcée si elle n’eût été sous l’influence du vin.

— Merci, colonel, répondit M. de Bleury ; mais en pareille circonstance vous ne trouverez pas mauvais que je me retire.

Le lendemain, le colonel, en brave militaire, ne crut pas déroger à sa dignité d’aller personnellement faire des excuses à M. de Bleury pour la conduite inconvenante d’un convive que tous ceux qui restèrent au dîner s’étaient accordés à blâmer.