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DEUX DE TROUVÉES.

se jeter dans une des pirogues pour se livrer au sommeil, dont il commençait à sentir le besoin. Le silence de la nuit n’était interrompu que parle ronflement sonore des dormeurs, entre lesquels se distinguait principalement le gros Tom qui, étendu sur le dos les pieds vers le feu, avait été un des premiers à profiter de l’occasion. De temps en temps on entendait bien le bruit que faisait quelque caïman en plongeant ! parfois, le croassement de quelque wawaron solitaire venait ajouter son puissant accompagnement à l’harmonieuse mélodie des ronfleurs.

Le temps du sommeil s’était écoulé avec rapidité, et Trim avait été éveillé pour faire sentinelle durant la dernière heure. Il avait commencé par jeter quelque bois sec sur le feu pour l’attiser, afin de réchauffer ses membres que le sommeil et la fraîcheur humide de l’atmosphère avaient engourdis. Après s’être chauffé quelque temps, il alla se laver la tête et la figure et revint s’asseoir auprès du feu. Il tira de la poche de sa vareuse une vieille pipe culottée et une torquette de tabac de la Virginie. Après avoir haché son tabac avec précaution et l’avoir frotté dans ses mains, il en chargea sa pipe, avec une satisfaction qui se peignait dans son gros œil blanc, qu’il clignait, et sur ses lèvres qui souriaient. Il piqua un tison avec la pointe de son couteau et alluma sa pipe, s’enveloppant littéralement dans un nuage de fumée.

— Ah ! il été bon fumer son petit la pipe, quand il été froid comme à c’t’heure ! dit-il, en tisonnant le feu ; sé pas si l’été plus froid qu’ça au Cana, Cana, Canda, sé pas comment il appelé c’pays y où mon maître y va l’allée, y disé moué y va gelé ! sé pas si