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DEUX DE TROUVÉES.

j’en abuse ? vous me jugez mal ; vous n’avez pas le droit de me craindre ni de me mépriser.

En entendant ces paroles, l’inconnue leva les yeux au ciel, un léger frémissement agita ses lèvres pendant qu’une larme brillait à sa paupière.

La figure grave et belle de St. Luc, qu’éclairait en plein la lumière de la lampe, reflétait la loyauté de son caractère.

— Vos paroles, lui dit-elle, en lui tendant les mains, me brisent le cœur. Vous interprétez mal mes pensées, si vous croyez que j’éprouve de la crainte, de la défiance, ou tout autre sentiment que ceux de l’estime et de la reconnaissance. Oh ! oui, une reconnaissance bien profonde pour tout ce que vous avez fait pour moi ; et je ne sais comment vous exprimer tout ce que j’éprouve, et pourtant, il faut encore que je vous supplie de me quitter. Croyez qu’elles sont bien grandes, les raisons qui m’obligent d’en agir ainsi.

L’émotion gagnait St. Luc ; au lieu de lui répondre, il contemplait son visage animé et ses yeux humides et brillants, qui le suppliaient avec tant d’anxiété. La situation commençait à devenir embarrassante ; l’inconnue tressaillit et dit d’une voix émue :

— Me refuserez-vous ?

Cette question si simple rappela St. Luc à lui :

— Ah ! madame, répondit-il, je me ferais un cruel reproche, s’il vous arrivait encore quelque malheur. Vous êtes seule ; vous avez été insultée par des brigands, vous pourriez l’être encore. Si vous le désirez absolument, je me retirerai ; mais, je vous en supplie à mon tour, permettez que je vous suive, d’assez loin