Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 2, 1874.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.
190
UNE DE PERDUE

— Si tu veux dire que c’est toi qui en es l’auteur, je n’ai pas d’objection.

— Oui, oui, j’en prends la responsabilité.

— C’est bien.

— Mais je dirai que je traduisais tes pensées.

— Oh ! non, oh ! non ; et elle s’avança pour arracher la feuille de papier. Mais Hermine se hâta de rentrer dans le salon, et se mettant au piano, elle chanta la réponse, sans que sa sœur put l’en empêcher.

Le reste de la soirée se passa joyeusement, cordialement. St. Luc partît enchanté de sa veillée et de l’amabilité des familles canadiennes de la bonne ville de Québec.

Quand la société se fut retirée, Hermine prit les couplets et les chanta de nouveau ; puis se tournant vers sa sœur qui, sérieuse et pensive, l’écoutait le front appuyé dans ses deux mains, au bout du piano :

— Sais-tu bien, que cet air ne convient pas aux paroles.

— Peut être, mais c’est l’air qu’il aime le mieux, répondit Asile, en laissant échapper un soupir qu’elle s’efforça en vain de comprimer.

— Prends garde, lui dit celle-ci, en la regardant, avec espièglerie, j’écrirai à Elmire que son lion t’a blessé au cœur.

— Oh ! mon Dieu, je serais trop heureuse, pensait leur bonne mère ; si c’était possible !

Clarisse, en s’en retournant, se trouvait seule dans la voiture avec St. Luc. Tous deux étaient plongés dans une profonde rêverie. St. Luc éprouvait un doux bonheur ; Clarisse était triste. Ils allaient arriver, et ni l’un ni l’autre n’avaient encore prononcé une parole.