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UNE DE PERDUE

— Ma sœur, s’écria Hermine, toute en pleurant, ma pauvre sœur !

— Courage, lui répondit Clarisse, en apercevant St. Luc ; elle est sauvée !

Non, elle n’était pas encore sauvée, l’infortunée enfant. Le taureau n’était plus qu’à deux pas d’elle, et déjà un beuglement prolongé sortait de la profonde poitrine de l’animal furieux.

St. Luc n’hésite plus et précipite son cheval sur le taureau, dans l’espoir de le renverser. Mais le cheval se dresse sur ses jarrets, bondit et saute par-dessus l’animal sans le loucher.

St. Luc avait prévu la possibilité de cette éventualité, et, avec une admirable présence d’esprit, il jette, en passant, son foulard étendu aux cornes du taureau.

Presqu’en même temps, il saute lestement à terre, et peut saisir aux cornes l’animal qui, un moment étonné, après avoir secoué et jeté à ses pieds le mouchoir qu’il flaira et déchira, allait s’élancer de nouveau sur la jeune fille.

Il y eut alors une lutte courte et terrible entre l’homme et la bête ; mais St. Luc. habitué depuis longtemps à ces genres d’exercices, auxquels se livre la jeunesse créole à la Louisiane, était trop habile pour que l’issue fut douteuse. Il maintint d’abord l’animal de ses puissantes mains ; puis lui tournant graduellement la tête de son côté, il lui tordit brusquement les cornes en lui appuyant un genou sur le cou. Le taureau lâcha un beuglement rauque et strangulé, et tomba lourdement. Asile était sauvée.

— Votre fille est sauvée, Madame, dit Sir Arthur ; voyez donc, elle revient appuyée sur M. de St. Luc.