Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 2, 1874.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
166
UNE DE PERDUE

Elle, aurait bien pu, il est vrai, louer la maison qu’elle occupait, dont elle avait l’usufruit, et en prendre une plus modeste ; mais elle ne pouvait se résoudre à priver ses chères filles du bonheur qu’elles éprouvaient dans cette demeure, où elles avaient passé tout le temps depuis qu’elle demeurait à Québec. De plus, certaines exigences de société la forçait, dans l’intérêt de ses enfants, de tenir un certain ton. On savait bien qu’elle n’était pas riche, mais elle était si bonne, si charitable, si respectable ; ses filles étaient si aimables, si agréables en société, qu’elles étaient invitées partout, sans que l’on s’attendit à ce que Madame de St. Dizier rendit les soirées qui lui étaient données.

Souvent il y avait des petites réunions de jeunes personnes chez elle, pour faire de la musique et du chant ; et, après s’être bien amusé, peut-être plus amusé qu’à un bal, on se séparait heureux et content, sans qu’il en eut coûté autre chose qu’une grande dépense de gaieté et de chansons. Elle était heureuse du bonheur de ses enfants, quand elle les voyait s’amuser ; mais souvent, et surtout depuis près d’un an, elle éprouvait de grandes inquiétudes sur le sort de ses bien aimées filles. Elle sentait sa santé affaiblir, et l’idée qu’avec elle finirait également la rente qu’elle retirait, et l’usufruit de la maison qu’elle habitait, la rendait bien malheureuse. Ces réflexions, sans doute, lui étaient venues en voyant toute cette jeunesse, appartenant à des familles riches et à l’aise, et en comparant leur avenir avec celui qui attendait ses pauvres enfants, auxquelles elle n’osait pas dire la situation précaire de leur fortune. À quoi aurait-il servi de les affliger