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UNE DE PERDUE

de raison, ne contribuaient pas peu à l’éclat du bal. Il n’y avait presque pas de jeunes canadiens ; ils s’occupent plus de politique que de bals ; tant pis, pour nous ! Il y avait le colonel W… le capitaine S… enfin presque tous les officiers du 32e et du 66e ; sans oublier, last but not least, mon petit lieutenant R. W… Tu sais que j’ai toujours eu un faible pour le militaire ; et pourtant, je t’assure que ce n’était pas ce qui avait le plus d’intérêt pour moi ce soir-là. J’étais presque vexée de ne voir que des visages connus ; enfin, vers onze heures, il se fit une sensation dans le salon où je dansais.

« C’était lui ; mais il n’a pas plus l’air d’un flibustier que toi et moi 1 J’imaginais voir une espèce de barbe-bleue, avec une épaisse crinière, des yeux féroces, eh ! bien, ce n’est rien de tout cela ; c’est tout simplement un beau, grand brun ; avec une légère moustache noire. Il se présente avec beaucoup de grâce ; ses manières sont d’une extrême élégance. Il n’y a aucune affectation chez lui ; il n’est pas roide et gourme, comme la plupart de nos officiers ; ni fier, malgré sa richesse. Il n’a pas plus de prétention que le commun des mortels. Il s’est fait présenter à toutes les dames, et a conversé avec elles aisément, sans gêne ; je t’assure qu’il a fait des conquêtes parmi les jeunes filles. Tu le verras et le jugeras, car il m’a dit qu’il descendrait à Québec lundi ou mardi prochain pour assister au bal du château ; le Gouverneur lui ayant envoyé une invitation spéciale.

“ il n’a pas dansé, il est en deuil de son père ; mais je t’assure que j’avais plus de plaisir à entendre sa voix grave et douce, qu’à danser. Il m’a montré