Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 2, 1874.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
UNE DE PERDUE

père est mort, il y aura bientôt cinq ans, je ne l’ai jamais vue gaie comme autrefois ; depuis un an surtout j’ai remarqué qu’elle avait des jours de tristesse, profonde qui m’affligent ; sa santé s’affaiblit aussi.

— As-tu remarqué aussi que chaque fois que nous allions à Montréal elle en revenait plus triste ; on dirait qu’elle ne quitte Montréal qu’avec regrets.

— Ah ! oui, je l’ai bien remarqué. Depuis bientôt un mois que nous sommes revenues, il n’y a presque pas de jours que je ne remarque, dans ses yeux, des traces de pleurs. Te rappelles tu, en arrivant à Sorel, ce beau grand jeune homme, brun, qui nous regardait avec attention, qui m’a paru si marquée, que j’ai été obligée de changer de place ; eh ! bien, sais-tu ce que cette pauvre maman m’a dit ? Elle m’a dit qu’elle trouvait que ce jeune homme nous ressemblait ; pauvre mère, elle pense toujours à nous et quand elle voit quelqu’un dont les traits sont beaux et distingués, elle croit que nous devons lui ressembler.

— Oui ! oui ! je me souviens de ce jeune homme qui nous regardait avec ses grands yeux presque effrontés ; et pourtant il m’a semblé qu’il y avait moins d’effronterie que de tristesse dans son regard. En effet, maintenant j’y pense, quand il a baissé les yeux et a souri avec mélancolie, en te voyant quitter ta place, il me semble lui avoir trouvé une forte ressemblance avec toi, quand tu prends ton air triste ; avec ça que vos yeux sont pareils ; les siens sont noirs, les tiens presque bleus, les siens percent, les tiens caressent ; votre nez aussi se ressemble, moins la forme ; le sien est droit, le tien fin et arqué ; votre teint est semblable, moins la couleur, il est brun, tu