Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 2, 1874.djvu/131

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
132
UNE DE PERDUE

Tenez, Je ne suis pas riche, mais je donnerais cinq piastres, oui, dix, pour le voir, quand on ne serait qu’une minute.

— Vous le verrez dans quelques jours d’ici ; en attendant, voulez-lui rendre un service.

— Un service ! pas un ; dix. Je vous l’ai dit, je ne suis pas riche ; je n’ai pas de famille, je suis garçon ; je n’ai que ma mère et ma p’tite sœur Florence. S’il veut venir demeurer cheux nous, ça nous fera plaisir, et à ma mère itou, allez ! C’est de bon cœur que je lui offre ma maison. Tiens, quéqu’j’dis donc là ? Ma maison, mais il ne voudrait pas y demeurer, il aurait honte de moi, car voyez-vous, je suis une canaille ; je n’ai pas honte de venir ici, boire l’argent que je gagne, au lieu de la donner à ma mère et retirer Florence d’où elle est.

DesRivières, en entendant prononcer le nom de Florence avait redoublé d’attention.

— Oui, continua Meunier, c’est ça qui me fait damner.

— Où est elle donc, Florence ? demanda DesRivières.

— Où elle est ? Elle est cheux ce gredin de Malo, qui tient l’hôtel St. Laurent, un peu plus haut qu’ici. Vous en d’venez ; est-ce que vous ne l’avez pas vue ; elle sert souvent à la bar. Une belle place pour une p’tite jeunesse, qui n’a pas encore seize ans. Et pourtant c’est de ma faute, si elle s’est engagée là. Entendre des jurements, des blasphèmes ! voir des choses d’ivrognerie ! tenez, je m’en veux d’être venu demeurer dans ces quartiers ci ; mais je ne connaissais pas mieux. Dieu merci, on n’y demeure pu ; j’en sommes partis depuis huit jours, et j’ai hâte que