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DEUX DE TROUVÉES.

À bord du bateau à vapeur qui fait le trajet de Whitehall à St. Jean sur le lac Champlain, St. Luc fit la connaissance d’un jeune canadien, du nom de Rodolphe DesRivières, qui retournait à Montréal. Le caractère franc et ouvert de ce jeune homme, qui était à peu près de son âge, son humeur gaie et complaisante, ses manières sans prétentions, plurent infiniment à St. Luc. Il était bien aise de cette rencontre ; il avait besoin de quelqu’un qui put le guider dans ses recherches, de quelqu’un qui put être en même temps son compagnon et son ami dans un pays où il était parfaitement étranger. Il ne pouvait mieux rencontrer.

Rodolphe DesRivières était un peu plus grand que St. Luc, mais pas aussi carré des épaules, ni aussi robustement taillé. Il y avait même quelque chose d’efféminé dans son visage un peu trop blanc, et dans ses grands yeux bleus empreints d’une certaine teinte de mélancolie. Mais celui qui l’aurait jugé sur ces apparences se serait trompé ; il était d’une force et d’une activité peu communes ; sa force consistait, surtout, dans la vigueur des bras.

Bon et généreux, mais vif en même temps, il ne se laissait pas impunément, comme on dit au Canada, piler sur les orteils. Il aimait à se mêler à tous les jeux de force et de gymnastique ; souvent il provoquait des adversaires à se mesurer avec lui, non pas par fanfaronnade mais par amusement. Il connaissait sa forçe mais n’en abusait jamais ; plus d’une fois elle lui servit à se tirer d’un mauvais pas, et aussi souvent à protéger le faible. Il était trop connaisseur pour être longtemps à reconnaître, à la symétrie des formes et au développement des muscles de St. Luc,