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UNE DE PERDUE

de lui et le chargea de leur expliquer de nouveau ce qu’il venait de leur dire et de tâcher de leur faire comprendre.

Parmi les esclaves, il y en avaient cinq à six qui s’étaient tenus à l’écart, ne partageant pas l’enthousiasme général ; parmi eux on remarquait le père Tobie.

— Pensez-vous, dit un des planteurs au capitaine, que votre plan réussira ?

— Pourquoi pas ?

— D’abord, parce que les nègres sont défiants, ils ne voudront pas donner leur argent dans la crainte d’être trompés ; ensuite, ils ne voudront pas travailler pour gagner une liberté qu’il leur semblera impossible de réaliser, ils sont trop paresseux ; il n’y a que le fouet qui puisse les faire travailler.

— Mais n’avez-vous pas vu leur enthousiasme ? combien ils avaient l’air heureux !

— Oui, oui ! tout cela c’est bon pour un moment, mais quand il leur faudra payer, vous verrez. Quant à moi, je ne demande pas mieux que de les voir refuser de gagner leur liberté ; car si vos calculs sont corrects, et ils me paraissent assez raisonnables, sauf les dépenses de nourriture que vous n’avez pas pris en compte, il ne me parait pas juste que cinq ans de travail partiel puissent leur gagner leur liberté, quand nous avons droit à les garder toute leur vie. Si nous adoptions votre plan, qu’arriverait-il, en supposant que les nègres voulussent en profiter ? Au bout d’une dizaine d’années il n’y aurait plus d’esclaves dans la Louisiane. Bel état de choses, vraiment ! Une classe de paresseux, de voleurs ! Les terres resteraient en friche ; il n’y aurait plus de culture pos-