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DEUX DE TROUVÉES

Des hangars spacieux, contruits en pierre sur la plage, servaient de dépôts aux trésors et aux richesses de toutes sortes, que, depuis nombre d’années, y avaient accumulés ceux qui fréquentaient cette esterre. De grosses et massives portes, renforcées de barres de fer, des meurtrières pratiquées à l’étage supérieur de ces hangars et garnies de couleuvrines placées de manière à balayer l’esterre, en faisaient autant de forteresses. Une dizaine de maisons longues et larges, couvertes en lataniers à triple rangs, servaient de demeure à cinq ou six cents personnes de toutes couleurs, de toutes langues et de toutes nations. L’air sinistre et sombrement féroce de la plupart de ces personnes, leurs bizarres costumes, leurs occupations, leurs jurements, tout annonçait que cette société ne devait pas être fort scrupuleuse à l’endroit de la morale.

En effet, cette esterre était le rendez-vous de tous les pirates, qui depuis plusieurs années, infestaient le golfe du Mexique et les mers adjacentes. Ils portaient leurs déprédations aux Antilles, dans les mers Caraïbes et jusque sur les côtes du Brézil, où plus d’une fois leur audacieuse férocité avait laissé des traces et des souvenirs sanglants de leur passage.

Cette esterre avait été choisie par le fameux Lafitte, comme étant l’endroit le plus central et étant en même temps le plus sûr. Sa proximité de la ville de Matance, qui aurait semblé en faire un voisinage dangereux, était au contraire la cause de sa plus grande sécurité. Qui eut imaginé en effet que les pirates eussent eu la folle audace de venir se livrer ainsi pieds et mains liés, aux frégates espagnoles qui croisaient sans cesse autour de l’île de Cuba ? Attaqués