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UNE DE PERDUE

parce qu’alors il t’imposera des devoirs à remplir, dont ton cœur seul te dictera l’étendue.

« Pierre, mon fils Pierre, ne me maudis pas ! Ta mère, celle qui fut ma femme, vit encore… Et elle est la femme d’un autre !… Mon fils, ne juge pas ; ta mère n’est point coupable… Oh ! c’est une bien triste histoire ! ainsi que te l’apprendront ces fragments. Elle m’a cru mort, et elle a subi sa destinée ! obéissant à des ordres injustes et cruels, elle s’est laissé traîner à l’autel, comme une victime au sacrifice !… Pauvre Éléonore !… C’est moi qui étais coupable. Oh ! si tu savais tout ce que mon âme a enduré de douleurs et de tourments ; si tu savais les torrents de larmes qu’ont versés mes yeux ; si tu savais les nuits d’insomnie et d’angoisse que j’ai passées, à genoux auprès de ton berceau, tu n’aurais pas de malédiction dans ton cœur ni d’injures sur ta langue pour la mémoire de celui qui a tant souffert, parce qu’il avait tant à expier !

« À mesure que tu grandissais, je suivais sur ta figure, dans tes manières, dans tes airs, le développement et l’expression des traits et du caractère de ta mère… Ta mère ! Pierre ; un ange de beauté ! un ange de vertu, dont je ne dois prononcer le nom qu’à genoux… Ta mère ! un ange de candeur et d’innocence !… oh ! pardon ! pardon !…dont j’ai flétri la douce existence ! Mes pleurs m’aveuglent, mes sanglots me suffoquent !… Je continuerai demain. J’espère que je serai plus calme ; ma main tremblera moins !
 

« En écrivant ce mémoire, je ne prétends pas me justifier, je ne veux qu’établir à tes yeux toute