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UNE DE PERDUE

— Fais-le entrer, madame Regnaud me permettra bien de le recevoir dans ma chambre.

— Mais certainement, mon Pierre ; dans la chambre ou dans ce salon. Fais comme si tu étais chez toi, ne te gênes pas.

Quand M. Léonard fut entré dans la chambre à coucher du capitaine, celui-ci prit affectueusement son esclave par la main et se retournant vers M. Léonard, il lui dit : « Voici mon meilleur ami, je lui dois la vie ; je vous prends à témoin que de ce jour il est libre et je veux qu’il soit traité comme tel jusqu’à ce que les formalités de la loi aient pu être remplies à cet effet. Si vous n’avez pas d’objection, nous le ferons entrer avec nous pour nous consulter ensemble, car nous avons bien des choses à faire, et j’ai besoin de son avis. » M. Léonard approuva le capitaine ; tandis que Trim, tout confus et ne trouvant pas de paroles pour exprimer ce qu’il ressentait, regardait le capitaine avec de grands yeux étonnés.

Ce qui étonnait le plus Trim, ce n’était pas l’offre que lui faisait son maître de sa liberté, il la lui avait déjà offerte vingt fois, comme nous l’avons dit, et il l’avait toujours refusée ; ce n’était pas non plus de lui entendre dire qu’il lui devait la vie, il n’avait fait en cela que son devoir et il ne s’en attribuait aucun mérite particulier. Tom en avait fait autant, et tout autre en eut fait de même, pensait le nègre ; mais ce qui pour lui valait mieux, mille fois mieux que la liberté, c’était de s’entendre appeler le meilleur ami de son maître, de sa propre bouche, et en présence du premier lieutenant du Zéphyr, en dépit des préjugés si enracinés des blancs contre les esclaves, espèces de choses qui ne sont ni hommes ni bêtes !