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UNE DE PERDUE

Les divers groupes de Signors cubains s’étaient rapprochés peu à peu de l’endroit où se tenaient les deux matelots, que le capitaine Pierre avait laissés en soin de l’embarcation. L’un des curieux s’adressant aux matelots leur avait demandé quel était le vaisseau auquel ils appartenaient.

— Qu’est-ce que cela vous fait, que nous filions les écoutes sous un pavillon Français ou Américain, Russe ou Danois ? N’en avez-vous donc jamais vu de vaisseaux dans votre trou de port ? lui répondit le plus gros des deux matelots d’une voix rude et rauque comme le tuyau d’un orgue en désaccord.

Un homme de haute taille, revêtu d’une blouse grise et d’un large feutre blanc, voyant que c’était parti pris de ne pas donner de renseignements sur le navire (lui qui avait ses raisons d’en connaître quelque chose,) crut qu’un bon moyen de les faire parler serait de leur faire une querelle et de remuer un peu leur irascibilité. Aussi, s’avançant avec un air de matadore :

— Ah ça, l’ami, vous êtes un polisson, un manant, de répondre aussi grossièrement à ceux qui vous parlent poliment. Nous en voyons souvent des vaisseaux, mais ils n’ont pas peur de se faire voir, comme vous autres, pirates que vous êtes. Vous devriez tous être pendus, c’est ce que vous méritez ; et je ne sais ce qui me tient de te frotter un peu toi, ainsi que ce mijauré qui est assis à tes, côtés, et qui ne prend pas même la peine de nous regarder.

— Tronc de Diou ! je voudrais bien vous voir, l’ami, essayer de me frotter, c’est une partie qui se joue à deux, celle-là.

— Tom, Tom, lui dit l’autre matelot en se retour-