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DEUX DE TROUVÉES

— Je me trouvais en ce moment avec M. Meunier, nous montâmes tous deux en voiture. Quand nous arrivâmes sur la levée, la vieille femme n’y était plus et le corps de l’enfant n’avait pas encore été retrouvé. M. Meunier donna instruction à plusieurs des personnes présentes de venir immédiatement l’informer, aussitôt que l’enfant ou sa mère aurait été trouvé. Après être restés plus d’une heure sur les lieux nous retournâmes chez lui. Ce pauvre M. Meunier, je n’oublierai jamais l’état dans lequel il rentra à la maison ; il avait le cœur navré ; il ne pleura pas, son œil était sec, il avait les yeux fixes ! Dieu ! quelle expression dans ses yeux ! j’imagine encore le voir là devant moi, quand il s’assit dans son fauteuil. Sa figure était d’une pâleur livide, une sueur froide suintait de son front. Il demeura près d’une demie-heure dans la même position, sans remuer un muscle, toujours le même regard fixe ! Je m’étais assis près de lui attendant dans la plus grande inquiétude le résultat de cette crise. Au bout d’une demie-heure environ, il se leva, s’essuya le visage de son mouchoir, fit trois à quatre tours dans la salle, puis s’arrêtant en face de moi, il me dit ces mots, que je n’oublierai jamais : « Dieu me punit dans mon enfant des fautes que j’ai commises dans ma jeunesse, et des infortunes que j’ai laissées au Canada ! »

M. Meunier fit dire des messes pour son enfant, ainsi qu’il en avait fait dire pour sa femme. Depuis ce temps il n’entendit plus parler ni de la femme… j’oublie toujours son nom…

— Coco-Letard.

— Coco-Letard ; ni de son enfant, son pauvre petit Alphonse, qu’il n’eut jamais le bonheur de presser sur son cœur de père !