Page:Boucherville - Une de perdue, deux de trouvées, Tome 1, 1874.djvu/167

Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
UNE DE PERDUE

trouvé un cadavre, dont les traits ne soient pas reconnaissables, venez me trouver.

— Pourquoi ne m’en diriez-vous pas de suite la raison, ça pourrait peut-être me guider ?

— C’est vrai ; eh bien, voici : s’il y avait moyen de trouver un cadavre méconnaissable, on pourrait peut-être, à l’aide de certaines marques et de certains témoins, vous comprenez, le faire passer pour le capitaine Pierre !

— En voilà une heureuse idée, par exemple ! une vraie bénédiction ! J’ai justement ce qu’il vous faut… arrêtez… non, ça ne fera pas l’affaire.

— Qu’est-ce que c’est ?

— Hier après-midi, en revenant de la balise, j’ai vu le cadavre d’un noyé, sur le bord du fleuve dans les joncs ; mais il était tout frais encore.

— Flottait-il dans l’eau ?

— Non, il était caché par les joncs, et je ne l’aurais pas vu si ce n’eut été de deux à trois busards[1] qui s’envolèrent à l’approche de notre canot. Je me levai pour regarder par dessus les joncs, et je vis le cadavre d’un homme récemment noyé.

— Ceux qui étaient avec vous le virent-ils aussi ?

— Je ne crois pas ; et comme j’étais pressé, je ne leur fis pas part de ce que j’avais vu. Depuis, la chose m’était complètement partie de l’idée, et, si vous ne m’eussiez parlé de cadavre, je n’y aurais probablement plus pensé. On y est si accoutumé à la Nouvelle-Orléans ; c’est une affaire de tous les jours.

  1. Espèce de vautour appelé carancro à la Louisiane.