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UNE DE PERDUE

tête d’argent, figurant deux colombes aux ailes renflées et s’entrebecquetant. Elle tira sur les rênes pour réprimer l’impétuosité de son cheval et retourner sur ses pas ; mais elle réfléchit que si elle retournait, quelqu’un peut-être pourrait croire qu’elle était venue tout exprès jusque-là ; et elle lança encore une fois son cheval et poursuivit la grande route.

À quelque distance au delà de la Campagna, la route bifurquait. L’une des branches était le grand chemin, et l’autre, moins large, s’enfonçait dans une forêt d’orangers et de bananiers et allait aboutir, en se rétrécissant, au pied d’une montagne aux flancs escarpés. Cette montagne était la ceinture extérieure dont nous avons parlée, et au delà de laquelle se trouvait l’esterre enfermée dans une seconde chaîne de rochers.

La jeune fille, toute absorbée dans ses pensées, ne remarqua pas que sa blanche haquenée, toute ruisselante de sueur, avait instinctivement pris le sentier plus frais et plus ombragé de la forêt. Combien de temps marcha-t-elle dans le sentier, combien de chemin fit-elle dans la forêt, elle n’en savait rien ; elle ne revint de sa rêverie que lorsque son cheval, qui depuis quelque temps marchait au pas, donnant çà et là un coup de dent à l’herbe tendre et fleurie, s’arrêta tout court, et se mit à hennir en dressant les oreilles. Les aboiements d’un chien se faisaient entendre à quelque distance ; un lapin s’échappa à quelques pas en avant et disparut au delà d’un détour que faisait le sentier dans la forêt, poursuivi par un chasseur, qu’elle reconnut pour l’étranger qui l’avait sauvée le jour de la revue. Au même instant un coup de fusil se fit entendre, et