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UNE DE PERDUE

y être, et la jeune fille y alla dans sa volante aux blanches mules. Il y était aussi, et elle l’eut bientôt distingué des autres, au milieu des cavaliers parmi lesquels il se trouvait. Le coup d’œil était splendide, la tenue des troupes magnifique, et les différentes évolutions qu’elles exécutèrent au son d’une musique guerrière, causèrent un enthousiasme général. Bientôt commencèrent les manœuvres de l’artillerie légère, dont les pièces, traînées par de vigoureux chevaux, semblaient emportées dans des tourbillons de poussière au bout de la plaine, tournaient comme sur un pivot et revenaient au grand galop des chevaux après avoir lâché leurs décharges.

Au bruit étourdissant du canon, deux mules s’étaient effrayées ; elles se cabrent, jettent à terre leur postillon et s’élancent dans leur épouvante à travers la campagne. Elles courent, elles blondissent par dessus les pierres, à travers les fossés. Une jeune fille est dans la volante qui, à chaque bond, menace de culbuter ou de se briser en éclats. Personne, de toute cette foule, n’ose porter secours à l’infortunée, qu’un rien peut jeter sous les roues de la volante ou sous les pieds des mules épouvantées. Un homme a reconnu les deux mules blanches, qui fuient à travers la plaine ; il plonge ses éperons dans les flancs de son cheval qui bondit comme un tigre blessé, secoue sa crinière, et part comme un ouragan sur les traces des mules. De sa cravache il lui sangle les épaules, de ses éperons il lui laboure le ventre. Cinquante cavaliers s’élancent après lui au galop, honteux de leur inaction et entraînés par l’exemple de cet inconnu. Les manœuvres de l’artillerie sont suspendues, toute cette foule suit de l’œil et est dans l’attente de quel-