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UNE DE PERDUE

comme notre nouveau planteur ; oh ! alors c’est bien différent. Elles pardonnent volontiers même un peu de hardiesse, pourvu qu’elles puissent paraître ne pas s’en apercevoir. Or, ce n’était pas par la timidité que péchait notre beau cavalier, tant s’en faut.

Tous les après midi, vers les six heures, quand le soleil brûlant des tropiques commençait à disparaître derrière les palmiers et les cocotiers, et que la brise du soir venait rafraîchir l’atmosphère si lourd, oh ! alors, comme les splendides promenades de Matance devenaient animées ! Toute la ville semblait se réveiller de sa longue sieste, pour venir respirer la vie avec le parfum des fleurs. Les vives et folâtres jeunes filles de l’île de Cuba, aux yeux noirs, aux longs cheveux soyeux, au teint chaud, au tempérament ardent, venaient boire à longs traits, à la coupe des plaisirs dans ce délicieux atmosphère de la reine des Antilles. Les volantes, ces nonchalantes voitures de Cuba, aux somptueux attelages argentés, traînées par des mules sur lesquelles étaient montés les caléseros, avec leurs fantastiques chaussures ; les chevaux pur sang, avec leurs cavaliers aux larges espagnol ; les piétons avec leurs badines et leurs cigarettes ; tout se trouvait à la promenade, car c’est une fête de tous les jours aux Antilles que l’heure où le soleil se couche. C’est le rendez-vous de toute la ville : des gens d’affaires pour leurs transactions, des amants pour leurs amours. Or vous sentez bien que notre riche et élégant planteur ne manquait pas de se rendre tous les soirs, sur son beau et fringant cheval barbe. Comme les jeunes filles admiraient la fermeté avec laquelle il se tenait en selle, la vigueur et l’élégance avec laquelle il faisait bondir et caracoler son destrier, dont