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DEUX DE TROUVÉES

— On n’entre pas, lui dit une voix sourde et gutturale.

Il se retourna vers un matelot et lui demanda ce que tout cela signifiait.

— Silence, répondit la sentinelle, on ne parle pas ici…

— Allons, se dit-il à lui-même, décidément je ne comprends plus rien. Il paraît que je joue le rôle de Télémaque, descendant sur la rive de l’Achéron, et ne rencontrant sur ses pas que les ombres de guerriers muets. Si on ne parle pas, on marche du moins ; et encore une fois il se dirigea vers le gaillard d’avant.

À peine fut-il arrivé vis-à-vis le mât d’artimon qu’un cliquetis, comme celui de fusils que l’on arme, se fit entendre sur toute la longueur des passe-avants. Le premier mouvement du comte fut de se sauver à la cabine, mais il se souvint que la porte en était fermée et gardée, et il s’élança dans les haubans du mât d’artimon. Il ne put parvenir sur la hune, craignant de se hasarder dans les haubans de revers ; il se blottit du mieux qu’il put, n’osant ni descendre ni monter.

En ce moment les pirates arrivaient ; nageant sans bruit et lentement ; ils firent le tour du vaisseau et passèrent à la proue. Tout était dans le plus profond silence et la plus grande obscurité, seul le fanal du beaupré jetait une faible lueur sur le gaillard d’avant. Bientôt on vit une tête s’élever au-dessus du coltis et regarder avec précaution, puis un homme se hissa sur le beaupré et fit un signe. En un instant vingt pirates grimpèrent par les amarres, tenant leurs sabres entre les dents. De leurs deux mains ils ont