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de se dissoudre et de s’abîmer en pluie.

Les oiseaux fuyaient d’un vol rapide et cherchaient un abri contre l’orage qui allait bientôt éclater. Le vent s’était élevé terrible et soufflait furieux à travers la forêt.

Quelques éclairs déchiraient les nuées et serpentaient avec une majestueuse lenteur.

Déjà même on entendait le tonnerre qui grondait sourd dans le lointain. Quelques gouttes d’eau tombaient larges sur les feuilles des arbres ; et moi j’étais là, seul, isolé, au milieu de la montagne, sans guide ni sentier pour retrouver mon chemin.

Dans l’étrange perplexité où je me trouvais, je saisissais avec avidité tout ce qui aurait pu m’être utile, j’écoutais avec anxiété le moindre bruit, mais je n’entendais que le cri de la chouette, qui se mêlait seul et prolongé aux sifflements du vent. Un instant je crus entendre le bruit d’une sonnette, dont le son fêlé vibra, en ce moment, doux à mes oreilles. Je me précipitai, le cœur serré, vers l’endroit d’où le son paraissait sortir. En avançant, j’entendis distinctement le marcher d’un homme ; j’allais être sauvé.

Mais je fus frappé d’un bien cruel désappointement, quand je reconnus que ce n’était que l’échos de mes pas qui avait causé mon illusion ; et le son, ce n’était autre chose qu’un courant d’air qui, s’introduisant avec impétuosité dans la fissure d’une branche fendue imitait de loin le bruit d’une clochette fêlée.


II.

la tourelle.


J’errais ainsi, çà et là, sans autre abri que les arbres contre la pluie qui me fouettait le visage. Mes hardes imbibées d’eau me claquaient sur les jambes. Transi de froid, je me mis dans le creux d’un chêne, dont les craquements horribles servaient fort peu à me rassurer. À chaque raffale de vent, je croyais le voir s’abîmer sur moi, et ce ne fut qu’après quelque temps d’une aussi cruelle position, qu’un éclair vint reluire immense et montra à découvert une espèce de petite tour, qui n’était qu’à quelques dizaines de pas de moi, mais que l’obscurité ne m’avait pas encore permis d’apercevoir.

Je me précipitai dans cette tour qui se trouvait si à propos. Cet asile ne valait pourtant guère mieux que celui que je venais de quitter. Ses châssis brisés laissaient entrer la pluie de tous côtés.

Quelques soliveaux à demi pourris formaient tout le plancher qu’il y avait. Il me fallait marcher avec précaution