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considéraient avec des yeux étonnés et assez peu bienveillants. Je ne m’expliquais pas le motif de cette animadversion universelle : avais-je été frappé du mauvais œil, ou me prenait-on pour un Croate, cette bête noire des Milanais ? Enfin un des gardiens vint à moi d’un air presque comminatoire et me fit un signe qui m’expliqua tout. Le motif de cette colère est que j’avais mon chapeau sur la tête : or, je n’aurais jamais deviné que c’était là mon crime, car une bonne moitié des assistants était coiffée ainsi que moi. Il est vrai que je l’étais en chapeau rond, et que les autres l’étaient en casque, en képi, en schako, en casquette, en bonnet de police. Je m’empressai donc de mettre chapeau bas, mais je regrettais de n’avoir pas un bonnet de coton qui, probablement, ne sortait pas de la catégorie des coiffures licites.

Me voici donc le chapeau à la main et me croyant parfaitement en règle ; mais, à mon grand étonnement, l’œil des gardiens ne s’était pas adouci, et je me voyais toujours en butte à des regards hostiles. Pour le coup, je n’y étais plus ; je cherchais en vain en quoi je pouvais encore avoir failli. Enfin la chose me fut révélée par un flâneur obligeant : j’avais gardé ma canne. Ici encore j’avais pêché par ignorance : personne ne me l’avait demandée en entrant, et tous nos militaires avaient sabre ou épée au côté, armes, je pense, tout aussi offensives qu’une badine. Ce corps du délit déposé à la garde d’un des surveillants, la sérénité revint sur tous les fronts, et je pus enfin circuler sans être honni.

Il n’y avait là que des tableaux nouveaux, dont quelques bons parmi beaucoup de médiocres, ainsi qu’il