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ouvrit un registre et vit qu’en effet elle y était inscrite. Je le priai donc de me rendre le manuscrit. Il me répondit qu’il le chercherait et que je pourrais repasser dans huit jours. Je me récriai. Alors il m’invita à revenir dans quatre jours. Je refusai même ce terme : je lui dis que, partant le lendemain, il me fallait mon manuscrit. Alors il se décida à ouvrir ses cartons dont je comptai une vingtaine, tous remplis à comble. Il n’y vit rien qui me concernait.

Il sonna. Un homme parut. Il l’envoya au magasin prendre une liasse dont il lui indiqua le numéro. L’homme revint un instant après ; il en avait sa charge. On trancha la corde : quelques douzaines de cahiers s’éparpillèrent sur le plancher. Le mien n’y était pas.

Le porteur reficela le tout et s’en fut chercher un autre paquet de même grosseur, sans plus de succès, et pas davantage dans un troisième. Enfin, au quatrième, je fus plus heureux, et, sous un pouce de poussière et une enveloppe de toile d’araignée, je reconnus mon manuscrit, un peu noir, mais vierge et revêtu du même papier, lié avec le même ruban et serré par le même nœud que j’avais fait moi-même. Je remerciai l’archiviste et repris mon cahier en le félicitant sur sa bonne conservation ; puis je sortis en plaignant ce digne homme chargé de lire ces montagnes de papiers, si toutefois c’était lui qui était condamné à cette peine, ce dont je doute, car à faire un pareil métier, il n’aurait pas eu le teint si frais.

Je compris alors l’antipathie que les secrétaires, archivistes, administrateurs et directeurs de théâtre doivent avoir pour les manuscrits et leurs auteurs :