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La bibliothèque communale est riche de quarante-cinq mille volumes. Je vais faire une visite au bibliothécaire qui m’en fait gracieusement les honneurs.

Rentré à l’hôtel, je déjeûne à table d’hôte avec trois voyageurs : nous n’étions donc que quatre à une table garnie comme pour dix. L’un de ces voyageurs, négociant probablement, pouvait avoir trente ans, grand, rouge et frais ; au total, un bel homme et d’assez bonnes manières, à sa voracité près. Je n’ai jamais vu un tel mangeur : avant qu’on ne servît les plats de résistance, il commença à attaquer les hors-d’œuvre, beurre, radis, olives, anchois, etc., placés de distance en distance pour la consommation de tous. Il eut bientôt vidé ceux de ces petits plats qui étaient à sa portée. On sert un énorme chapon rôti. Le domestique le découpe ; j’en prends un petit morceau, car la table se couvre d’autres mets ; mes deux voisins en font autant. Notre glouton en prend une portion, puis une seconde, une troisième et une quatrième ; quand nous voulûmes revenir à la bête qui était excellente, il l’avait complètement engloutie.

Cependant on avait placé d’autres assiettes de hors-d’œuvre pour de nouveaux convives qu’on attendait et dont les couverts étaient mis à peu de distance de nous. Notre mangeur, avec son couteau, parvenait à les attirer à lui, et, comme les premiers, tous y passèrent.

Un beau poisson, des légumes et deux plats sucrés se succédèrent. À peine étions-nous servis qu’il s’emparait du reste et n’en laissait miette. Les autres voyageurs et moi-même étions en extase devant un pareil appétit qui, certes, s’il était ordinaire chez les convives, mettrai bien vite à l’aumône tous les hôteliers.