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laquelle, entre nous soit dit, on aurait dû, pour la commodité des voyageurs, donner un nom un peu moins suisse. À la construction et à la mesure des mots d’une langue, notamment des noms de familles et des noms de lieux, on peut juger du caractère d’un peuple. On ne trouve de longs mots que chez les nations d’une nature calme et posée ; tandis que chez les peuples vifs, tels que Gascons, Provençaux et Picards, les noms et les mots sont ordinairement courts. Ceci est surtout remarquable chez ces derniers. Le Picard, dont le patois tient beaucoup du vieux français, n’a que des mots brefs, et raccourcit presque tous ceux qu’il emprunte au français moderne. Les noms de famille trop longs lui déplaisent et lui donnent une sorte de prévention contre ceux qui les portent ; ils lui paraissent incommodes ou ridicules, et si ce sont ceux de ses parents ou amis, il trouve toujours moyen d’en retrancher une partie, ou il les remplace par un prénom, ou par un sobriquet s’il s’agit d’un individu qui l’intéresse peu.

Après Herzogenbuchsee, nous apercevons, à gauche, des pics neigeux très-élevés et d’une éclatante blancheur, dont un doit être le Mont-Blanc. Il est cinq heures ; la chaîne des Alpes, éclairée par le soleil brillant d’un éclat qui contraste avec la verdure, fait un admirable effet sur ces monts se perdant dans les nues enflammées.

Ici encore règne partout un air de calme et de bien-être ; on ne rencontre pas un mendiant. C’est bien le Mont-Blanc que je voyais, et, plus loin, le Mont-Rose. On les reconnaît un quart-d’heure avant d’arriver à la station, probablement celle de Inkwyl, où je suis à