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bien dans celui de leur orgueil ? C’est à Dieu à les juger : lui seul lit dans les cœurs. Peut-être sera-t-il moins sévère que l’histoire, et dans les bourreaux même ne verra-t-il que des victimes des flatteurs, des préjugés et de la peur.

En quittant l’église, on trouve le cloître qui est fort beau. Les tombes y sont nombreuses et pourraient donner lieu à d’intéressantes notices nécrologiques. Les pierres tombales qui y servent de sol sont devenues frustes par le frottement des pieds des fidèles, et les noms des personnages que ces tombes recouvrent se trouvent effacés et oubliés probablement pour jamais. À quoi donc tient la mémoire des morts ? Aux sabots et aux clous des bottes de ceux qui leur survivent.

Il y aurait un remède à cela : ce serait de mettre la pierre à l’envers ou l’inscription tournée vers le cadavre. Les bas-reliefs se trouveraient également bien de cette position qui les éterniserait, ainsi que le nom de leurs auteurs. J’en ai chez moi qui ne doivent leur conservation qu’à cette retourne. Taillés dans d’épaisses planches de chêne, ornement d’anciens manoirs, leurs modernes propriétaires, ennuyés de ces figures qui leur faisaient la grimace et n’y voyant que des nids à poussière, les avaient, au moyen d’un demi-tour de conversion, logés dans le plâtre, ne laissant à l’extérieur que le côté plat qui, poli et ciré, rendait, selon eux, leur demeure plus propre et plus gaie. Une grande partie de ma collection de bas-reliefs est composée de morceaux ainsi sauvés du feu ou du rabot des amateurs de la ligne droite, ou des welches niveleurs.

De la terrasse de la cathédrale, on a une vue admi-