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J’avais, en si bonne compagnie, tout ce qu’il me fallait pour employer le reste de la journée et bien d’autres, mais les trois heures allaient finir, et le moment du départ approchait. Je prends congé de ces messieurs, et une voiture me conduit à la gare. Le bureau n’était pas ouvert ; on m’avait trompé sur l’heure du départ.

Je m’assieds au bord d’un courant d’eau qui arrosait le jardin. Deux petits poissons s’y disputaient un fétu de paille. Qu’en voulaient-ils faire ? Je ne le devinais pas, mais ils le savaient bien, eux, car ils y mettaient un acharnement incroyable : c’était Achille et Hector se disputant le corps de Patrocle. Une perche, qui survint, avala à la fois les combattants et le sujet du combat.

J’entrai dans le salon d’attente. Deux Allemands, parlant français ou croyant le parler, s’y égayaient par des plaisanteries tudesques qu’ils arrosaient de bière.

À une heure et demie, nous partons pour Bâle. Un jeune homme est en face de moi ; à en juger par ses traits, il est fumeur et buveur. Tout ce qui m’entoure dans le wagon a l’air plus que bourgeois. Une seule femme assez laide, assise en face de moi, fait contraste ; elle a dans sa laideur quelque chose de fin et de sympathique.

Nous voici à une station dont je ne puis lire le nom. À droite, coule la Limmat. À côté de moi vient se placer une femme qui aurait bien figuré dans les compositions de Holben. Son profil est absolument une tête de mort. Elle nous quitte bientôt. Mes autres compagnons n’avaient fait qu’une station.