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un Suisse, mais je ne savais pas que leurs jeunes héritiers avalaient les poires comme des grains de raisin, et je me demandais si ce n’était pas un procédé national qui leur était prescrit pour s’élargir le gosier.

Quoi qu’il en soit, ce régime ne paraît pas leur être préjudiciable : tous les enfants sont ici bien constitués, propres, bien vêtus, et ne sont ni insolents ni destructeurs comme dans beaucoup de pays, notamment le nôtre, où ils semblent tenir un peu des Huns et des Vandales. Quant à être gourmands, ils m’en ont bien l’air, mais quel est l’enfant qui ne l’est pas ? Le bon Dieu l’a créé tel, et il a eu raison : que serait-il devenu, le malheureux, s’il ne naissait pas vorace ? Le premier acte du nourrisson est de chercher le sein de sa mère ; quand il l’a trouvé, de s’en emparer, et de donner un coup de griffe à celui qui le lui dispute.

Lorsque je fus quitte de mon cortége dévorant, ce qui arriva tout naturellement dès qu’ils n’aperçurent plus rien ni dans mes mains ni dans mes poches, je repris mon examen de la perspective : des montagnes formaient le fond du tableau, puis se déployait la nappe argentée du lac. Devant moi coulait la Limmat qui en sortait pour passer sous un premier pont. Deux clochers à droite. De trois côtés, des maisons. À gauche, un grand palais où est la bibliothèque communale. En me retournant, un autre pont, un quai, un édifice à colonnes.

J’en étais là de mon examen, quand quelqu’un vint à moi : c’était M. Ferdinand Keller, l’aimable et savant président de la Société des Antiquaires de Zurich, qui me proposa une promenade, puis une nouvelle visite au