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J’y ai donc été, comme bien d’autres, pour l’acquit de ma conscience.

Conduit par mon cicérone, je pus visiter Lonato, Montechiaro où l’Empereur avait son quartier-général, Castiglione où il le transporta ensuite, et l’esplanade de laquelle il embrassait et dirigeait la bataille : c’est de là qu’il en suivait toutes les péripéties. Que de battements de cœur n’a-t-il pas dû sentir dans ce lieu même et sur ce sillon qui me porte ! Vainqueur ou vaincu, élevé aux nues ou foulé aux pieds, tel est le sort du général. L’histoire est implacable, et la première elle a dit : victis. Je me mettais à sa place, et mon émotion aussi était vive.

Je visite cette ferme de Casanova, témoin de tant de meurtres, de douleurs et de traits d’héroïsme ; Solferino, village ignoré hier, aujourd’hui illustre ; Cavriana, où Napoléon entrait quand les colonnes autrichiennes en sortaient ; enfin Villafranca, où l’on devrait élever un temple à la Paix.

Les traces de l’artillerie sont ici plus visibles qu’à Magenta : tels édifices sont tout-à-fait percés à jour et arrivés à l’état de dentelle. Mais dans la campagne, la nature commence, sur plusieurs points, à prendre le dessus ; elle semble pressée de faire disparaître ces traces de la rage et de la folie des hommes qui, dans toutes les guerres, finissent par où ils auraient dû commencer : s’entendre.

De retour à Milan, je me rends au chemin de fer qui conduit vers Côme. J’ai pour compagnons de wagon une femme d’une beauté remarquable, accompagnée par une autre qui n’est ni sa mère, ni sa sœur, ni sa