ouvriers bons sujets. Il a les mêmes habitudes, les mêmes préjugés, les mêmes travaux, les mêmes plaisirs.
Sa position financière est aussi celle des journaliers ; il gagne par jour le prix qu’ils reçoivent le plus généralement, c’est-à-dire 2 francs ; ce qui, déduction faite des cinquante-deux dimanches, fait 626 francs par an. Mais, de ces 626 francs, il faut ôter encore quatre fêtes ordonnées et au moins deux volontaires, reste donc 614 francs par an ou 1 franc 68 centimes par jour.
Peut-être arrêtera-t-on là mon calcul, en disant : il y a erreur ; comment voulez-vous que père, mère, enfans vivent, se logent, s’habillent, se chauffent et se divertissent, avec 1 franc 68 centimes par jour, sans anticiper sur l’avenir, et par conséquent sans faire de dettes.
Je n’invente rien, je dis ce qui est ; et sur dix familles en Europe, il y en a six qui vivent avec moins. Il est donc prouvé que dans la France, qui n’est pas le pays où la vie coûte le plus cher, un ménage de quatre personnes peut vivre avec cette somme, c’est-à-dire payer son logement, sa nourriture, ses vêtemens, son chauffage et ce que le plus pauvre donne à ses plaisirs, l’eau-de-vie, le tabac et le repas extra du dimanche. Cet ouvrier vit donc, il ne lui manque rien dans sa sphère et selon ses modestes désirs ; mais au bout de l’année il n’a rien. Voyons s’il ne pourrait pas avoir quelque chose.
Nous maintenons le dîner du dimanche ; c’est une récréation de famille ; mais les deux ou trois petits verres d’eau-de-vie par jour, les trois ou quatre pipes qui les suivent ou les précèdent, ne pourrait-on pas les économiser, ou du moins les réduire à moitié ? Admettons que ce tabac lui soit nécessaire, que ce soit une habitude invétérée, qu’il ne puisse enfin obtenir par an sur ses 614 francs, la faible économie de 12 francs : lui serait-il donc impossible de gagner quelque chose en sus de sa journée de 2 francs ? Cette journée est de dix heures de travail : en emploie-t-il quatorze à dormir ou manger ?