n’en est pourtant point une cause, parce que le besoin étant éteint, ce goût a éveillé la fantaisie, et que la fantaisie passée, il a laissé l’activité et le calcul.
J’appelle fantaisie, non la bizarrerie et le vice, mais la volonté d’un honnête bien-être, d’un superflu licite, et par cela même utile au développement des facultés physiques et intellectuelles. L’aisance, n’en doutez pas, calme les passions féroces, adoucit les mœurs, et en laissant plus de loisir à la réflexion tend à perfectionner le raisonnement. Elle contribue aussi à la beauté des formes, à la vigueur des organes et à leur conservation.
Mais il ne faut pas confondre l’aisance ou le goût du superflu avec celui de la consommation, avec l’excès. La consommation prodigue et oublieuse qui dévore tout immédiatement sans songer au lendemain, n’est jamais qu’un prélude ou un complément de misère ; il importe peu que celui qui, pouvant bien vivre avec une livre de viande et en gaspille trois, reçoive dans sa journée le prix d’une livre ou de trois, puisqu’à la fin du jour il ne lui en restera pas davantage. Il ne l’ignore point ; et si le Lazaroni travaille seulement pour ne pas mourir de faim, lui, travaille justement autant qu’il faut pour faire une débauche. Le goût du superflu au contraire peut s’allier à celui de l’ordre ; il est rarement égoïste, ou bien il est d’un égoïsme qui croit autrui nécessaire à ses jouissances : c’est ainsi qu’il s’étend sur ceux qui l’entourent et qu’il contribue à leur bien-être.
Il est des peuples qui consomment plus que les autres, soit par l’effet du climat, soit par habitude, préjugé ou jactance. Il en est qui sont plus portés au raffinement, à la friandise, et qui préféreront la qualité des objets à leur abondance, mais qui aussi dans l’occasion sauront plus aisément s’en priver.
On a remarqué que l’homme du midi, plus délicat dans l’aisance que celui du nord, est en même temps plus sobre, plus modéré sur la quantité : il est nourri