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Et qui me desroba, le cœur.
Pour le desseicher en langeur.

(Les Odes, II-8).

Il ne s’agit pas d’ailleurs de faire succéder aveuglément une rime masculine à une rime féminine. La rime doit être en rapport avec le sentiment exprimé. Il y a des rimes féminines très douces. Il y en a de douces aussi parmi les rimes masculines, celles, par exemple, qui sont suivies d’une consonne qui se prononce, comme amour, sœur ; dans le cas contraire, les rimes masculines sont énergiques. Pourquoi dès lors obliger un auteur à employer une rime forte quand c’est d’une douce qu’il a besoin ? En dehors de la stance où l’ordre des rimes doit être toujours le même (la stance était une « forme musicale » autrefois), pourquoi faire toujours succéder une rime féminine à une rime masculine. C’est une habitude contractée par analogie avec des pièces chantées.

Voici par exemple le beau poème de Verlaine : En sourdine :

Calmes dans le demi-jour
Que les hautes branches font,
Pénétrons bien notre amour
De ce silence profond.